Nous sommes heureux de retrouver Elsa Wack, notre linguiste du mois de janvier 2014. Elsa, née à Genève, est traductrice indépendante de l'anglais et de l'allemand vers le français. Titulaire d'une licence ès lettres, ayant aussi fait de la musique, du théâtre et du cinéma, elle aime écrire et sa préférence va aux traductions littéraires.
Les contributions précédentes d'Elsa Wack à notre blog-soeur Le mot juste en anglais se trouvent ici et celles à notre blog-soeur, CLIO-Histoire se trouvent ici.
Globi est un personnage de bandes dessinées très populaire en Suisse alémanique et en Allemagne, mais pas vraiment en Suisse romande. Ce galopin mi-perroquet, mi-humain, est vieux d’au moins 60 ans, mais le concept n’a pas beaucoup changé : une bande dessinée sur la page de droite, que les petits lecteurs peuvent s’amuser à colorier car elle est généralement en noir et blanc, et des quatrains rimés sur la page de gauche, qui racontent la même histoire. Cent pages par album : voilà l’album « Globi Klassik ».
Le clivage Nord/Sud existe aussi en Suisse, parallèle en miniature de la relation houleuse entre l’Allemagne et la France, la Flandre et la Wallonie, etc. ; sauf qu’en Suisse, ce clivage géographique est doublé d’un Est-Ouest, la partie germanophone se trouvant à l’est. Le Nord(-Est) aime bien le Sud(-Ouest), surtout pour y passer des vacances. Le Sud-Ouest aime bien le Nord-Est un peu à la manière d’un parent pauvre, c’est-à-dire oui et non.
Je vais tenter de vous faire aimer « Globi et Roger », dernier opus de la série. Roger, c’est Roger Federer (Rodge pour les amis), un grand tennisman suisse qui partage la vedette avec Globi dans l’album. Federer est un héros gentil, mais un peu encombré par ses richesses. Le personnage de Globi est plus complexe – partagé entre son côté farceur, fantaisiste et même tricheur, et les bonnes intentions que lui insufflent les divers sponsors des albums – en général, écologie, sport et éducation, qui sont ici abordés avec pas mal de finesse. Globi se sait célèbre, ce qui complique un peu sa lecture en Suisse romande où il ne l’est pas ! Mais sa célébrité, dans cet album comme dans les autres, il doit la reconquérir au fil des aventures, comme le fait un grand sportif au fil de ses tournois.
Pour cet album de Globi, l’équipe des textes et des images a joui, vu la popularité de Federer, de conditions exceptionnelles. La traductrice a disposé de six mois pour l’adaptation française, période que le dessinateur-auteur a pu, lui aussi, mettre à profit pour peaufiner les dessins tandis que le rédacteur suisse-allemand faisait de même avec ses vers ; le tout en défendant parfois leurs choix, soumis à des contrôles attentifs. C’était une sorte de travail d’équipe d’un bout à l’autre de la Suisse, avec également une version anglaise, écrite à Berne et relue à Genève.
Le résultat ? Une histoire amusante, des histoires dans l’histoire ; du tennis, bien sûr, et quelques souvenirs d’enfance de Federer ; un voyage en Angleterre, un autre en Afrique, où les plus éduqués ne sont peut-être pas ceux qu’on pense ; et toutes les caractéristiques traditionnelles des albums de Globi, avec le cycle des saisons et l’apothéose finale de la célébrité reconquise, suivie d’adieux teintés d’un brin de mélancolie.
Cet album connaîtra-t-il le même destin que les précédents dans le monde francophone, où l’on se préoccupe assez peu de bandes dessinées germaniques ? Ou le tennisman suisse, bilingue et très populaire, lui, du côté ouest de la rivière Sarine, attirera-t-il des lecteurs vers la version française ? Les paris sont ouverts, tout comme ceux sur l’issue du grand match de tennis qui oppose les deux héros à la fin de l’histoire.
Lectures supplémentaires :
À la une - parution d'un nouvel album d'Astérix
English as a common language in Switzerland : a positive or a problem?
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