Elsa Wack, notre contributrice fidèle aux multiples talents, a rédigé l’article précèdent sur ce blog, au sujet de Globi, le personnage de bandes dessinées très populaire en Suisse alémanique et en Allemagne. Cette fois-ci nous profitons de ses connaissances de la musique, dans l’article ci-dessous, dans lequel elle nous présente deux sœurs musicales.
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Elles sont sœurs ; l’aînée est née en Russie et joue du violon ; la cadette est née à Genève et joue du piano.
Maria et Nathalia Milstein ont enregistré en 2017 un disque sur une sonate fictive, la « Sonate de Vinteuil ». Pourquoi fictive ? Parce qu’elle n’existe qu’à l’état d’évocation dans « À la recherche du temps perdu » de Proust. Elle y est une « madeleine de Proust musicale » liée à l’amour de son héros Charles Swann pour une certaine Odette.
Le tempo du disque est souvent lent, l’interprétation douce. La cadette est d’une beauté plus délicate et son instrument est plus grand : un piano extraordinaire. Se ressemblent-elles ? Oui et non. Elles sont en harmonie, ce qui n’est pas toujours évident entre sœurs.
Toutes deux sont des virtuoses plusieurs fois couronnées. Ce disque lui-même est une madeleine de Proust rappelant la « Belle Époque » qui s’étendit de 1880 environ à 1914. C’est en 1913 qu’a commencé à paraître l’œuvre de Proust, et vers 1919 qu’on a commencé à désigner par ce mot de « Belle Époque » ce qui allait rester dans les mémoires, en France et en Europe, comme un âge d’or comparé aux horreurs des guerres et des crises qui suivaient et allaient suivre.
Le disque des sœurs Milstein dégage bien cette atmosphère de Belle Époque : douceur, calme, art de vivre, art tout court. La paix. Pas toujours… On y trouve la sonate de Saint-Saëns en ré mineur op. 75, à côté de la Sonate pour violon et piano de Debussy et d’œuvres de deux autres compositeurs de ce temps : Gabriel Pierné et Reynaldo Hahn. Ce dernier fut l’amant de Proust jusqu’en 1896, puis resta son ami jusqu’à la fin de sa vie.
Les quatre compositeurs ont principalement travaillé en France. La sonate de Saint-Saëns est la seule de ces œuvres à avoir été citée par Proust lui-même comme l’un des modèles de sa « Sonate de Vinteuil ». Elle contient une petite phrase musicale clé, mais tout juste « charmante », disait-il. Il avait beaucoup admiré Saint-Saëns avant de le trouver rétrograde.
Quand j’entends « À Chloris » de Reynaldo Hahn par les sœurs Milstein, c’est aussi un peu de Bach qui résonne en moi. Encore une madeleine de Proust. Maria Milstein a elle-même transcrit la ligne de voix pour le violon.
Les sœurs Milstein ont également enregistré « Ravel Voyageur » : tout un voyage vraiment, avec des échos tziganes, blues, kaddisch et grecs du grand compositeur. Les titres sont disponibles en streaming.
Lectures supplémentaires :
La Sonate de Vinteuil CD review – Milstein sisters play detective in search of Proust's lost phrase.
The Guardian
Maria Milstein, violon, |